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Les femmes à l’honneur

Le mois de mars à été, cette année comme les autres, riche en rencontres, débats, célébrations dédiées aux droits des femmes. L’occasion d’échanger avec une femme décidée, énergique, active : Evelyne Poiraud, comédienne, metteure en scène et directrice artistique d’une compagnie qu’elle a fondée en 2003 Le Bouffadou Cie.
Celle qui selon ses propos n’a pas une volonté militante raconte son parcours et ses choix artistiques inspirés par des rencontres de femmes.
Son engagement s’inscrit dans ses choix, ses créations : lecheminement et la prise de conscience œuvrent à travers les mots, les images des spectacles créés et sur scène.

Dans A l’Arrière des Tranchées, spectacle joué le 22 mars dernier à Cherbourg au Festival Femmes dans la ville, les femmes en 14-18 sont mises à l’honneur. Pourquoi ce choix ?

J’avais eu l’occasion de monter des lectures-conférences avec l’historienne Evelyne Morin-Rotureau sur des portraits de femmes inspirantes telle qu’Olympe de Gouge, Christine de Pizan, Alexandra David Néel… Ces parcours de femmes ont été révélateurs de ce qui était en moi. Quand on a décidé de créer une pièce sur l’arrière de la Grande Guerre, une rencontre opportune avec la chargée de mission aux droits des femmes de la Vendée, a dirigé mon regard sur la place des femmes dans ce moment de l’histoire. Ces oubliées des manuels d’histoire et qui pourtant ont tenu une place importante à l’arrière : agricultrice, ouvrière, manutentionnaire, mère, épouse, marraines de guerre… Elles ont non seulement participé à l’effort de guerre mais aussi porté le pays.
Ce qui est fabuleux, c’est au cours de notre tournée, l’historienne Evelyne Morin Rotureau (qui a dirigé l’ouvrage Françaises en guerre) est parfois venue donner des conférences à la suite du spectacle, en éclairant et étayant tout ce qui y est abordé.

Lors de mon invitation à l’Elysée le 8 mars 2015, j’ai d’ailleurs porté auprès de François Hollande, le souhait de donner une place dans les manuels d’histoire, dans les établissements scolaires à ces femmes ordinaires et extraordinaires, qui sont des modèles, pour que les enfants et les jeunes filles puissent s’imaginer, se projeter, oser devenir les femmes qu’elles méritent d’être, en confiance, en s’appuyant sur des expériences vécues, mais qui restent là encore les grandes oubliées de l’histoire. Je suis admirative de ces femmes aux parcours extraordinaires… Et il y en a tant tout autour de nous, de ces femmes remarquables, qui ont fait avancer la place de la femme, et aussi les sciences, les relations, l’art…  !
 
Et toi quel est ton parcours de créatrice ? Il y a 15 ans tu as créé ta propre compagnie de Théâtre, pourtant très présentes au sein des pratiques amateures et dans les chiffres de fréquentation des lieux culturels, les femmes sont minoritaires chez les metteures en scène !?…

J’ai fait mon entrée dans le monde du spectacle en 1982, en créant une des toutes premières compagnies de théâtre professionnelle de Vendée : le Théâtre de L’OKARINA (cf. petit instrument de musique l’ocarina). Ensuite passage, plus de 10 années quand même, par Paris, l’Ecole Internationale de Théâtre Mime Mouvement Jacques Lecocq et des formations avec les initiés au théâtre du Soleil. Puis rencontres et travail avec beaucoup d’hommes talentueux, créateurs, auteurs, metteurs en scène, réalisateurs, comédiens, danseurs, musiciens… et cette femme incroyable, Ariane Mnouchkine…. Et bien d’autres encore !

Puis dans les années 2000, de retour en Vendée, lors d’une réunion institutionnelle avec 15 autres compagnies professionnelles, je me suis retrouvée seule directrice de compagnie de théâtre. Cette situation m’a interpellée : pas évident effectivement de conjuguer le rôle de mère, les différentes contraintes de la vie d’artiste et de diriger une structure culturelle. Qui plus est, il y a finalement encore une majorité d’homme directeur de structures culturelle : compagnies, lieux… !
Quant aux rôles de femmes, qui ont la cinquantaine, dans les pièces ou les films, là aussi ils se font plus rares.

Adolescente déjà j’étais touchée par les parcours hors norme.
Qu’est-ce qui m’a poussée à sortir des sentiers battus, du milieu dans lequel j’ai grandi ?
Dans mon village peu de femmes faisaient de grandes études. J’ai décidé de faire un parcours supérieur, et de le poursuivre même après mon entrée dans la vie active, pour nourrir ma soif d’apprendre.
Dans ma famille il y avait des choses que les garçons faisaient pas les filles, juste par ce que c’était comme ça ! Pas de parcours artistique non plus dans la famille : pas de métiers aventureux !
Ma curiosité, mon envie de liberté, d’expression, de création, m’ont guidé vers ce beau métier que j’exerce depuis plus de 30 ans.

Et aujourd’hui ? sur quels projets travailles-tu ? 

Notre nouveau travail porte sur ce texte truculent autour de la parentalité d’Olivier Balazuc L’imparfait. Cette pièce interroge les comportements humains, le rituel et le protocole familial liés à l’éducation.

Moi-même, mère de deux filles, ou plutôt de deux jeunes femmes (2 de mes plus belles « créations »), je m’intéresse beaucoup au thème de la parentalité à la place de l’enfant, dans la famille, dans la société, dans le monde : nos droits et nos devoirs envers eux.
Plusieurs de nos lectures et actions culturelles ont d’ailleurs portés sur ce thème, et notamment le très beau texte de Karin Serres, Colza, et un beau travail sur les droits de l’enfant avec les écoles de Saint de Monts en 2010.

Après une 1ère rencontre avec le public les 21 et 24 février dernier à la médiathèque Libre Cour à Vertou dans le cadre d’une semaine de la parentalité, nous présentons notre lecture-spectacle L’Imparfait à Rezé le dimanche 8 avril dans le cadre du Temps fort des familles.

Et pour finir notre échange quelle est ta lecture du moment ?

J’ai toujours plusieurs livres en cours.
Je viens de commencer Marx et la poupée de Maryam Madjidi, auteure découverte à l’occasion festival Atlantide, les mots du monde, dont j’avais choisi un extrait pour le travail présenté au Lieu Unique avec le CIALA (Collectif Interculturel des Auteur.e.s de Loire Atlantique). Le livre m’a été offert par le collectif et l’écriture de Maryam Maddjidi est un pur délice que je vous conseille vivement de savourer.

Je relis également Léonie et Noélie de Nathalie Papin. Un texte dense et sensible qui raconte l’histoire de sœurs jumelles sur un toit au-dessus du monde des adultes. Depuis longtemps les textes de Nathalie Papin me caressent les oreilles, mettent en ébullition mon imaginaire, colorent mon paysage narratif, interrogent mes neurones de metteure en scène. Nathalie Papin signe là une histoire émouvante, entre fantaisie et poésie, que je souhaite mettre en scène pour la journée des écritures théâtrales jeunesse le 1er juin. J’ai rencontré Nathalie Papin sur le salon du livre de Sucé sur Erdre en 2015 et cet échange a confirmé mon intérêt pour l’auteure et ses textes.

Merci Evelyne pour ce témoignage, et comme le dit l’un de tes albums jeunesse coup de cœur Rendez-vous n’importe où…. !

Rezé, le lundi 26 mars 2018